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La France pèse-t-elle vraiment 10 % à 15 % des dépenses sociales mondiales ?

Roter.Teufel

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La France pèse-t-elle vraiment 10 % à 15 % des dépenses sociales mondiales ?

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Dans une attaque contre l’« assistanat », Eric Zemmour a repris un chiffre souvent agité par la droite libérale. Il est pourtant remis en question, y compris par Julien Damon, le sociologue à son origine.


Une question de bonne mesure. La France, dont le modèle social est le plus prodigue au monde, représente-t-elle à elle seule un dixième, voire un sixième des dépenses sociales publiques planétaire ?

C’est ce qu’a affirmé Eric Zemmour le 2 octobre dans un meeting :

« Ce modèle social, il est légitime, vous y tenez et j’y tiens, comme à la prunelle de mes yeux. Mais il faut distinguer ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Entre ceux qui cotisent et ceux qui reçoivent de l’assistanat. Entre les chômeurs professionnels et les travailleurs professionnels. Les chiffres sont édifiants. Je vous les livre en vrac. Nous représentons 1 % de la population mondiale, mais nous dépensons 10 % des dépenses sociales du monde entier. La somme va vous donner le vertige : 750 milliards d’euros. »

Le polémiste d’extrême droite n’est pas le premier à reprendre à son compte ce raisonnement. Début 2020, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, affirmait, lui, que « la France à elle toute seule représente 15 % des dépenses sociales dans le monde. » Sauf que ces pourcentages sont basés sur des chiffres approximatifs, datés et mal interprétés.

Un calcul approximatif

Le chiffre originel, celui de 15 %, date de 2014, et provient d’un calcul effectué par le sociologue Julien Damon dans une tribune publiée par Les Echos. A partir de données de l’Organisation internationale du travail (OIT), il affirme que « la France se situe au premier rang mondial (ou dispute ce titre avec le Danemark) en ce qui concerne la part de sa richesse nationale affectée à la protection sociale. On tourne autour de 33 % du PIB. En 2011, ce sont 670 milliards d’euros, soit 15 % des 4 500 milliards de dépenses sociales mondiales. »

Ce chiffre ne figure nulle part dans le rapport de l’OIT, qui le conteste formellement. Et pour cause : c’est Julien Damon qui l’a extrapolé. « C’est de la règle de trois basique, » explique au Monde celui qui est par ailleurs professeur associé à Sciences Po, chroniqueur aux Echos et au Point, et dirigeant de la société d’études et de conseils Eclairs. M. Damon a rapporté le PIB et les dépenses françaises aux dépenses publiques mondiales moyennes estimées par l’OIT.

Or, comme l’expliquait Libération en 2020, le calcul est erroné : en suivant sa méthodologie donnant un tel ordre de grandeur, la somme des dépenses publiques sociales de quelques grands pays atteindrait déjà les 100 % des 4 500 milliards évoqués ; autrement dit, cette part est largement surestimée. Julien Damon, qui récuse le terme d’« erreur », reconnaît plutôt une « approximation » de sa part. Libération arrive à un chiffre corrigé d’environ 10 %.

Des données datées

En reprenant le chiffre de 10 % suggéré par l’équipe de vérification de Libération, Eric Zemmour semble s’être prémuni contre l’approximation initiale, que s’était appropriée Jean-Michel Blanquer. Mais au prix d’une seconde : il fait sien un chiffre qui est obsolète. En effet, les calculs du quotidien reprennent les données de l’OIT utilisées en 2014 par Julien Damon, lesquelles portent elles-mêmes sur l’année 2011. En somme, le chiffre donné par le polémiste d’extrême droite est déjà vieux de dix ans.

Or, en une décennie, la situation a bien évolué au niveau mondial. Selon des calculs du Monde confirmés par l’OCDE, la France représentait en 2019 environ 8 % des dépenses de ses 38 pays membres. Quel serait ce pourcentage si l’on y ajoute la totalité des autres pays ? L’OIT a publié un nouveau rapport en avril 2021, et Julien Damon a mis à jour ses calculs sur la place de la France dans les dépenses sociales mondiales, pour arriver cette fois au chiffre approximatif de 5 %. Ce recul, explique-t-il, provient de l’extension de la protection sociale dans le monde. « Des pays, dont la Chine – qui a par ailleurs vu son PIB plus que doubler sur la période –, développent des programmes bien plus consistants qu’auparavant, » relève-t-il.

Une méthodologie limitée

Pour autant, ce chiffre de 5 % ne corrige pas le problème de fond des précédents. « Méthodologiquement, des réserves s’admettent », reconnaît pudiquement M. Damon, alors que Libération prévenait explicitement que son chiffre de 10 % n’avait en réalité « aucune signification ». La part que pèse la France « ne veut pas dire grand-chose seule », confirme Maxime Ladaique, statisticien principal à la division des politiques sociales à l’OCDE.

En cause, admet Julien Damon, une pluralité de biais qui faussent les calculs, comme la distinction parfois complexe entre financement public et privé, des données dont la qualité et la précision varient considérablement d’une zone géographique à l’autre et de fortes disparités de pouvoir d’achat que gomment les calculs en dollars constants : 100 dollars d’aides sociales n’offrent pas le même niveau de couverture en Suisse et au Malawi. Pour l’OIT, citée par Libération, la démarche revient à « compter des carottes et des poireaux ». Julien Damon, qui défend malgré tout sa méthodologie, estime qu’elle vaut surtout pour « l’image générale ».

Un détournement politique du chiffre

Quelle image générale, au juste ? Celle d’un « pays à très haute densité de protection sociale, dont le système, discuté et disputé en interne, fait encore bien des envieux à l’échelle internationale », précise Julien Damon dans une récente chronique des Echos. C’est un fait : la France est le pays qui consacre la plus grande partie de son budget à la protection sociale. Selon l’OCDE, ses dépenses publiques sociales représentent 31 % de son PIB, là où la moyenne des 38 pays membres de l’organisation économique, essentiellement des pays développés, est à 20 %. Elle devance ainsi la Finlande (29,1 %), la Belgique (28,9 %), le Danemark (28,3 %) ou encore l’Italie (28,2 %).

Mais le poids de la France dans les dépenses publiques sociales au niveau mondial ne renseigne pas tant sur la politique française en la matière, plutôt stable (entre 30 % et 35 % de son PIB sont alloués à la protection sociale depuis dix ans), que sur le développement tardif et fragile de l’Etat-providence au niveau planétaire, et plus particulièrement dans les pays pauvres. Selon les chiffres de l’OIT, 83,9 % de la population européenne bénéficiait en 2020 d’au moins une forme de protection sociale, contre seulement 17,4 % en Afrique. « Il faut du temps aux systèmes de protection sociale pour se développer et devenir de véritables Etats-providence », explique l’OCDE. A terme, la part de la France devrait encore baisser et, si ce n’est pas le cas, ce serait avant tout le signe que la fragile croissance des pays pauvres s’est grippée. L’Unicef alertait ainsi en mars 2021 sur le fait qu’un pays sur huit dans le monde – essentiellement parmi les plus fragiles –, dépense plus en remboursement de sa dette qu’en services sociaux.

Julien Damon regrette que ses calculs aient été instrumentalisés. « Politiquement, certains sautent dessus pour dire “Houlala, c’est colossal”. Ce n’est ni mon écrit, ni mon avis. »

Des dépenses de chômage surestimées

Accessoirement, si le chiffre de 750 milliards d’euros de dépenses sociales est, dans les grandes largeurs, correct, il ne correspond pas seulement aux aides au chômage, contrairement à ce que laisse entendre Eric Zemmour, mais regroupe de nombreuses prestations, comme les retraites, la santé, ou encore les aides à la personne. La France n’a consacré en réalité que 41,8 milliards d’euros en 2019 aux aides au chômage, soit 1,52 % de son PIB, ce qui la place au quatrième rang des pays de l’OCDE, derrière l’Espagne, la Belgique et la Finlande. Un chiffre moins « édifiant ».

Le Monde
 
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